Comme l'eau
de la Mékerra
de Claire ECSEDY
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HONNEUR ET FIDÉLITÉ

Née dans le berceau de la Légion étrangère, de père militaire, de mère secrétaire à l’intendance, je me suis toujours sentie très à l'aise dans cette vie de ville de garnison avec laquelle nous vivions en osmose, naturellement, comme la majeure partie des Bel-Abbésiens.
La Légion répartissait ses régiments dans les différentes casernes bordant l’avenue du général Rollet. le «père» de ce corps d'armée. Le Quartier Viénot représentait. cependant. le coeur et la tête de ses troupes. Ce Quartier portait le nom d’un colonel tué en 1855. devant Sébastopol.
Il faut savoir que la Légion ne s’est pas installée dans une ville déjà établie. C’est l’inverse qui s’est produit.
Pour mieux comprendre. il est nécessaire de remonter le cours du temps en retraçant. humblement. la frise historique dont les faits montrent bien l’origine de Bel-Abbès.
Fondée en I 83 I. sur décision de Louis-Philippe. la Légion vit ses bureaux de recrutement assaillis par les «meurtris» des insurrections du Printemps des Peuples européens. de 1830 et surtout par les premières victimes de la Révolution industrielle qui annonçait le désespoir des ouvriers se retrouvant sans travail.
Ceci n’aurait donné que des soldats médiocres Si la «colonne vertébrale» de la Légion n’avait pas été constituée d’éléments d'une valeur militaire inestimable les soldats étrangers'. Des vétérans souvent mais rompus aux plus dures manoeuvres militaires et à une discipline de fer telle que l'exigeaient les ordres du colonel Stoffel, cet ancien officier de l’Empire. Ce Suisse était l’un des rares rescapés de la guerre d'Espagne’ il imposa à ses bataillon~ des consignes telles qu'un tri sélectif s’opéra. Ces premiers bataillons se composaient de Belges de Français d'Espagnols de vétérans de Hohenloe. de Suisses. d’Allemands. de Hollandai~ et de Polonais.
Après la prise d'Alger. en 1830. et l'abdication du Bey d'Oran, le gouvernement de Louis-Philippe eut à charge l'administration de cette province.
Le premier exploit de la Légion fut donc la construction de routes, de ponts, de fontaines, à travers des marécages impraticables. Le Génie. et ses Sapeurs, consacra tous ses efforts, dès le début. A l'aménagement en outre, de certains secteurs stratégiques qui devaient servir d'appui aux corps expéditionnaires.
Sidi-Bel-Abbès était le nom d'un marabout méditatif qui. selon la légende. reçut un jour. un message divin. Allah lui dit: «Va et enseigne les tribus qui errent!».
C'est ainsi qu'il vint dans la vallée de la Mékerra et y apporta paix. concorde et travail. Très vite. un faux prophète malade de jalousie prit sa place sans avoir pu l'éliminer. En effet. Allah avait soustrait son protégé à la bêtise des hommes, en le faisant conduire dans la forêt de Messer. Alors, les pires calamités s'abattirent sur la région: le Très-Haut fut supplié, le prophète devait revenir!
Sa retraite fut découverte. on le supplia en vain. il ne se laissa pas fléchir. On le menaça: aussitôt. il se transforma en colombe et disparut. La colombe se posa sur les hauteurs de la Mékerra et. sous les yeux émerveillés d'un jeune berger. reprit apparence humaine. C'est à cet emplacement qu'une Kouba fut construite par les tribus, afin que le prophète repose en paix. après sa mort.
De cette Kouba allait naître Sidi-Bel-Abbès, «Biscuit-Ville» pendant longtemps! La Légion avait onze ans lorsque les premiers murs s'élevèrent sur les bords de la Mékerra.
En effet, en 1840, pour jalonner la route des colonnes expéditionnaires qui s'enfonçaient vers le Sud, l'Etat-Major songea à créer des points d'appui et de ravitaillement. C'est ainsi que, gîte d'étape, les installations d'un bivouac non loin de la Kouba du marabout se révélèrent très utiles. Ce bivouac dut être fortifié et remplacé par une redoute, en 1843. avec une petite garnison fixe. Les légionnaires de ce fort furent sévèrement éprouvés par le paludisme, ils s'efforcèrent donc d'assainir la région en drainant les eaux croupissantes des marais vers la Mékerra.
C'est de cette époque que provient l'expression «pied-noir»:
Pour drainer les marais. les premiers colons portaient de grandes cuissardes noires. Ainsi. par extension les premiers européens qui s'établirent sur ces terres incultes et marécageuses, furent appelés «Pieds-Noirs». Il en fut de même pour leurs descendants, nés sur cette terre d'Algérie même Si cela était un département français.
En 1847. des mesures de sécurité s'imposant. à la demande du Maréchal Bugeaud. du Duc d'Isly et du Général Lamorcière, une ordonnance royale décida de transformer ce poste militaire en ville.
Le Capitaine du Génie Prudon fut chargé, avec la commission qu'il présidait, d'élaborer le plan de la ville.
Il s'agissait d'une enceinte fortifiée de 42 hectares. coupée de larges rues. enceinte dont la moitié serait réservée aux installations militaires tandis que le reste serait partagé en lots pour des candidats souhaitant s'établir dans ces lieux déserts.
Le Colonel commandant le Régiment étranger serait le magistrat municipal de cette future cité. un légionnaire en deviendrait le garde champêtre et même un sergent assumerait les fonctions d'instituteur dès qu'il y aurait des enfants.
Cette nouvelle commune de Sidi-Bel-Abbès était immense puisqu'elle devait. par la suite donner naissance à celles de Détrie, du Tessala. de Prudon et des Trembles.

à suivre...
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